Comme le journal de Porochine n'a point été écrit pour être livré à la publicité, il doit nécessairement contenir beaucoup de rechutes et de détails insignifiants. J'ai marqué au crayon les endroits les plus intéressante et même ceux qui n'offraient qu'un intérêt secondaire ou relatif, pour en faciliter encore plus la lecture, j'ai fait une table de matières, avec des indications succinctes, pour aider et fixer l'attention.
Ce journal quoique incomplet, est néanmoins un document précieux sous bien des rapports. Outre le but principal, que s'est posé l'auteur de se rendre compte jour par jour du développement intellectuel et moral de son auguste élève, ce mémoire à défaut de ceux qui nous manquent, retracent en légères esquisses, en traits détachés une peinture vraie et vive de l'époque de ses mœurs et de ses tendances, de ses individualités qui toutes plus ou moins portent un cachet d'originalité, que l'on chercherait vainement de nos jours. La société qui y est peinte, quoique entraînée par l'éclat, les séductions, et souvent, avouons le, par les écarts de la civilisation Européenne, portait cependant en soi, un élément vivace de nationalité, elle était plus russe qu'elle ne l'est devenue par la suite. Le gouverneur du jeune Grand Duc, le Comte Panine, tout diplomate, tout ministre des affaires étrangères qu'il était, avait non seulement des tendances et des principes russes en politique, mais il était complètement russe de pied en cap. Son esprit s'était nourri de traditions nationales, historiques et littéraires. Rien de ce qui tenait à la Russie ne lui était ni étranger, ni indifférent Aussi, aimait-il son pays, non de cet amour tiède, de cet instinct intéressé et égoiste d'un homme en place qui aime son pays parce-qu'il aime le pouvoir, mais il l'aimait avec ce dévouement ardent et vivifiant, qui ne peut exister que lorsque l'on est attaché à son pays par tous les liens, toutes les affinités que font naître une communauté d'intérêts et de sympathie, communauté où se résument dans le même amour, le passé, le présent et l'avenir de la patrie. Ce n'est qu'alors que l'on peut aimer et bien servir son pays et sa nation, tout en reconnaissant leurs défauts, leurs travers et leurs vices, et en les combattant de toute sa puissance et de tous ses moyens d'action. Tout autre amour, est un amour aveugle, stérile, inintelligent et même funeste.