II L’histoire politique de la France au xixe sciècle: de Napoléon Ier à la chute du Second Empire

6 Le code Civil des Français

L’œuvre législatrice de la Révolution, depuis 1789, est considérable. Les grands principes de la société nouvelle ont été affirmés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dе 1789, revus temporairement en 1793, et dans les constitutions successives. Mais cette Déclaration reste désincarnée. C’est l’œuvre du Consulat que de poser concrètement les modalités de la société française transformées. La promulgation du Code Civil des Français, dit: « Code Napoléon », est un élément essentiel de stabilisation économique et sociale. Désormais, la vie des Français s’organise autour de l’égalité juridique et de la garantie faite à la propriété privée.

Code Civil des Français (extraits), 1804

« Titre V. Du mariage.

Chapitre premier. Des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.

Article 144. L’homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage.

Article 145. Le Gouvernement pourra néanmoins, pour des motifs graves, accorder des dispenses d’âge.

Article 146. Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.

Article 147. On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.

Article 148. Le fils qui n’a pas atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis, la fille qui n’a pas atteint l’âge de vingt-un ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère: en cas de dissentiment, le consentement du père suffit.

Article 149. Si l’un des deux est mort, ou s’il est dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit.

Chapitre V. Des obligations qui naissent du mariage.

Article 203. Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants.

Article 204. L’enfant n’a pas d’action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement.

Article 205. Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère, et autres ascendants qui sont dans le besoin.

Article 206. Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère; mais cette obligation cesse, 1° lorsque la belle-mère a convolé en secondes noces, 2° lorsque celui des époux qui produisait l’affinité, et les enfants issus de son union avec l’autre époux, sont décédés.

Article 207. Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.

Chapitre VI. Des droits et des devoirs respectifs des époux.

Article 212. Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.

Article 213. Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari.

Article 214. La femme est obligée d’habiter avec le mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider: le mari est obligé de la recevoir, et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état.

Article 215. La femme ne peut ester en jugement sans l’autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique, ou non commune, ou séparée de biens.

Article 216. L’autorisation du mari n’est pas nécessaire lorsque la femme est poursuivie en matière criminelle ou de police.

Article 217. La femme, même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit ou onéreux, sans le concours du mari dans l’acte, ou son consentement par écrit.

Article 218. Si le mari refuse d’autoriser sa femme à ester en jugement, le juge peut donner l’autorisation.

Section III. Des Successions déférées aux Descendants.

Article 745. Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu’ils soient issus de différents mariages.

Ils succèdent par égales portions et par tête, quand ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef: ils succèdent par souche, lorsqu’ils viennent tous ou en partie par représentation.

Section IV. Des Successions déférées aux Ascendants.

Article 746. Si le défunt n’a laissé ni postérité, ni frère, ni sœur, ni descendants d’eux, la succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne paternelle et les ascendants de la ligne maternelle.

L’ascendant qui se trouve au degré le plus proche, recueille la moitié affectée à sa ligne, à l’exclusion de tous autres.

Les ascendants au même degré succèdent par tête.

Section V. Des Successions collatérales.

Article 750. En cas de prédécès des père et mère d’une personne morte sans postérité, ses frères, sœurs ou leurs descendants sont appelés à la succession, à l’exclusion des ascendants et des autres collatéraux.

Ils succèdent, ou de leur chef, ou par représentation, ainsi qu’il a été réglé dans la section II du présent chapitre. »

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Code m Civil des Français, ou Code Napoléon – Гражданский кодекс французов, или Кодекс Наполеона. Первый гражданский кодекс в Европе Нового времени, фундаментальный законодательный акт, разработанный в начале XIX в. по инициативе Наполеона Бонапарта (1769–1821), первого консула Французской республики. Был принят в марте 1804 г., вплоть до наших дней действует с изменениями и дополнениями и остается основой французской правовой системы. Состоял из трех книг: «О лицах» (Des personnes), «Об имуществах и о различных видоизменениях собственности» (Des biens et des différentes modifications de la propriété), «О различных способах приобретения собственности» (Des différentes manières dont on acquiert la propriété). Книги подразделены на Титулы (Titre m), Части (Section f), Главы (Chapitre m), Статьи (Article m)

Consulat m – Консульство (9 ноября 1799/18 брюмера VIII г. – 18 мая 1804/28 флореаля XII г.), политический строй Франции, установившийся после государственного переворота 18 брюмера.

7 Napoléon

Un portrait de l’Empereur vers la fin de son règne Emmanuel de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, Tome 1er, Chapitre III

« L’Empereur, contre l’opinion commune, celle que j’avais entretenue moi-même, est loin d’avoir une forte constitution; ses membres sont gros, mais sa fibre est très-molle; avec une poitrine fort large, il est toujours enrhumé; son corps est soumis aux plus légères influences: l’odeur de peinture suffit pour le rendre malade; certains mets, la plus petite humidité agissent immédiatement sur lui. Son corps est bien loin d’être de fer, ainsi qu’on l’a cru: c’est seulement son moral. On connaît ses prodigieuses fatigues au dehors, ses perpétuels travaux au-dedans; jamais aucun souverain n’a égalé ses fatigues corporelles. Ce qu’on cite de fort est la course de Valladolid à Burgos, à franc étrier (trente-cinq lieues d’Espagne en cinq heures et demi, plus de sept lieues à l’heure). Napoléon était parti avec une nombreuse suite, à cause du danger des guerrillas (sic): à chaque pas, il resta du monde en route; Napoléon arriva presque seul. On cite aussi la course de Vienne au Simmering (dix-huit ou vingt lieues), où il se rendit à cheval, déjeuna et revint aussitôt après. On lui a vu faire souvent des chasses de trente-huit lieues; les moindres étaient de quinze. Un jour un officier russe, arrivant en courrier de Pétersbourg, en douze ou treize jours, joignit Napoléon à Fontainebleau, au départ de la chasse; pour délassement, il eut la faveur d’être invité à suivre: il n’eut garde de refuser; mais il tomba dans la forêt, et ce ne fut pas sans peine qu’on le retrouva.

J’ai vu l’Empereur, au Conseil d’Etat, traiter les affaires huit ou neuf heures de suite, et lever la séance avec les idées aussi nettes, la tête aussi fraîche qu’au commencement. Je l’ai vu lire à Sainte-Hélène, dix ou douze heures de suite, des sujets abstraits, sans en paraître nullement fatigué.

Il a supporté sans ébranlement les plus fortes secousses qu’un homme puisse éprouver ici-bas. A son retour de Moscou ou de Leipsick (Leipsig), après l’exposé du désastre au Conseil d’Etat, il dit: « On a répandu dans Paris que les cheveux m’en avaient blanchis; mais vous voyez qu’il n’en est rien (montrant son front de la main), et j’espère que je saurai en supporter bien d’autres. » Mais toutes ces prodigieuses épreuves ne se sont accomplies, pour ainsi dire, qu’en déception de son physique, qui ne se montre jamais moins susceptible que quand l’activité de l’esprit est plus grande.

Napoléon mange très irrégulièrement, et en général fort peu. Il répète souvent que l’on peut souffrir de trop manger, jamais d’avoir mangé trop peu. Il est homme à rester vingt-quatre heures sans manger, seulement pour se donner de l’appétit le lendemain. Il boit bien moins encore; un seul verre de vin de Madère ou de Champagne suffit pour réveiller ses forces ou lui donner de la gaîté. Il dort fort peu; et à des heures très irrégulières, se relevant au premier réveil pour lire ou pour travailler, et se recouchant pour redormir encore.

L’Empereur ne croit pas à la médecine, il ne prend jamais aucun remède. Il s’est créé un traitement particulier: son grand secret avait été depuis longtemps, disait-il, de commettre un excès en sens opposé à son habitude présente; c’est ce qu’il appelle l’équilibre de la nature: s’il était depuis quelque temps en repos, il faisait subitement une course de soixante milles, une chasse de tout un jour.

S’il se trouvait au contraire surpris au milieu de très-grandes fatigues, il se condamnait à vingt-quatre heures de repos absolu. Cette secousse imprévue lui causait infailliblement une crise intérieure qui amenait aussitôt le résultat désiré: cela, disait-il, ne lui avait jamais manqué.

L’Empereur a la lymphe trop épaisse, son sang circule difficilement. La nature l’a doué de deux avantages bien précieux, dit-il: l’un est de s’endormir dès qu’il a besoin de repos, à quelque heure et en quelque lieu que ce soit; l’autre, de ne pouvoir commettre d’excès nuisible dans son boire ou dans son manger: « Si je dépassais le moindrement mon « tirant d’eau », disait-il, mon estomac rendrait aussitôt le surplus ». Il vomit très-facilement, une simple toux d’irritation suffit pour lui faire rendre son dîner. »

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Fontainebleau – Фонтенбло, город в пригороде Парижа, где c XI–XII вв. находится многократно перестраивавшаяся королевская резиденция. С 1804 г. временами использовался Наполеоном как императорская резиденция.

8 La seconde Restauration

Après Waterloo (18 juin 1815), le Roi Louis XVIII fait son retour. Toutefois la situation politique est fort différente de celle de 1814, lors de la première Restauration. Les « Cent jours » ont exaspéré les passions tant du côté monarchiste que chez les bonapartistes ou les républicains aux espoirs déçus et qui craignent une « Terreur blanche ». Napoléon est sur la route d’un second exil. Louis XVIII attend aux portes de Paris que Fouché et Talleyrand, les deux hommes forts du moment, viennent à lui pour ouvrir les portes de la capitale à la seconde Restauration. Châteaubriand témoigne…

François René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe

« Nous nous rendîmes à Saint-Denis: sur les deux bords de la chaussée s’étendaient les bivouacs des Prussiens et des Anglais; les yeux rencontraient au loin les flèches de l’abbaye: dans ses fondements Dagobert jeta ses joyaux, dans ses souterrains les races successives ensevelirent leurs rois et leurs grands hommes; quatre mois passés, nous avions déposé là les os de Louis XVI pour tenir lieu des autres poussières. Lorsque je revins de mon premier exil en 1800, j’avais traversé cette même plaine de Saint-Denis; il n’y campait encore que les soldats de Napoléon; des Français remplaçaient encore les vieilles bandes du connétable de Montmorency.

Un boulanger nous hébergea. Le soir, vers les neuf heures, j’allai faire ma cour au roi. Sa Majesté était logée dans les bâtiments de l’abbaye: on avait toutes les peines du monde à empêcher les petites filles de la Légion d’honneur de crier: Vive Napoléon ! J’entrai d’abord dans l’église; un pan de mur attenant au cloître était tombé: l’antique abbatial n’était éclairé que d’une lampe. Je fis ma prière à l’entrée du caveau où j’avais vu descendre Louis XVI: plein de crainte sur l’avenir, je ne sais si j’ai jamais eu le cœur noyé d’une tristesse plus profonde et plus religieuse. Ensuite je me rendis chez Sa Majesté; introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne; je m’assis dans un coin et j’attendis. Tout à coup une porte s’ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime. M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr; l’évêque apostat fut caution du serment.

Le lendemain, le faubourg Saint-Germain arriva: tout se mêlait de la nomination de Fouché déjà obtenue, la religion comme l’impiété, la vertu comme le vice, le royaliste comme le révolutionnaire, l’étranger comme le Français; on criait de toute part: « Sans Fouché point de sûreté pour le roi, sans Fouché point de salut pour la France; lui seul a déjà sauvé la patrie, lui seul peut achever son ouvrage. »

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Waterloo (la bataille de ~ ) – битва при Ватерлоо развернулась 18 июня 1815 г. близ Ватерлоо, небольшого городка в 15 км к югу от Брюсселя (в настоящее время провинция Брабант). Это последнее значительное сражение армии императора Наполеона против войск коалиции европейских монархов, в котором французская армия потерпела сокрушительное поражение. Французы называли также это сражение битвой при Мон-Сен-Жан (bataille f de Mont-Saint-Jean). Эта битва ознаменовала конец периода, известного в истории как «Сто дней» (les «Cent Jours»). Несколько дней спустя, 22 июня, вернувшись в Париж, Наполеон, не имевший политической поддержки, отрекся от престола. Ватерлоо стало именем нарицательным, означающим полный провал.

François René de Chateaubriand – Франсуа Рене виконт де Шатобриан (1768–1848), писатель, политик, дипломат, пэр Франции, по политическим взглядам – ультрароялист, консерватор. Считается предтечей французского романтизма. Член Французской академии. В молодости Виктор Гюго говорил о нем: «Я хочу быть Шатобрианом или никем». Автор романов и эссе: «Опыт исторический, политический и моральный о революциях старых и новых, рассматриваемых в соотношении с Французской революцией» (1797) (Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution Française), «Атала, или Любовь двух дикарей в пустыне» (1801) (Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert), «Рене, или Следствия страстей» (1802) ( René ou les effets des passions), «Гений христианства» (1802) (Le Génie du Christianisme), «О Буонапарте и Бурбонах» (1814) (De Bouonaparte et des Bourbons), «Замогильные записки» (1848) (Mémoires d’outre-tombe ) и многих других.

«Terreur f blanche» – «Белый террор». Термин, впервые использовавшийся во время Французской революции в 1795 г. для описания массовых убийств (в основном на юго-востоке Франции) сторонников диктатуры монтаньяров, совершаемых (иногда при попустительстве правительства) в том числе и роялистами, остававшимися верными белому знамени Бурбонов, откуда и название «Белый террор». После «Ста дней» и Реставрации династии Бурбонов Террор, также названный «Белым террором», был направлен против сторонников Наполеона и бывших революционеров. Иногда этот же термин употребляется для обозначения карательных действий, направленных против Парижской коммуны 1871 г., а также репрессивных мер контрреволюционеров – сторонников монархии в разных странах (в том числе и в России) в разные исторические периоды.

Fouché – Жозеф Фуше (1759–1820), герцог Отрантский, политический и государственный деятель, министр полиции в период Директории, Консульства и Империи. В 1792 г. был избран в Конвент. Голосовал за казнь Людовика XVI. Известен жестокостью и беспощадностью, с которой во время революции подавил восстание в Лионе (федералистское восстание) в 1793 г. После переворота 18 брюмера поддержал Наполеона.

Saint-Denis – Сен-Дени, северный пригород Парижа. Городок возник около бенедиктинского аббатства, основанного королем Дагобертом I в VII в. Аббатство Сен-Дени – главный монастырь средневековой Франции. Первая базилика была построена в V в. с благословения покровительницы Парижа святой Женевьевы (Sainte Geneviève) над гробницей первого епископа Парижа святого Дионисия. Базилика стала первым храмом аббатства. С XIII в., со времен Людовика IX Святого, церковь служила усыпальницей французских королей. В аббатстве захоронены почти все короли Франции и члены их семей. Во время Французской революции аббатство было разграблено и закрыто. При Реставрации в крипте были перезахоронены казненные во время революции Людовик XVI и Мария-Антуанетта. С 1811 г. в здании аббатства располагается основанный Наполеоном в 1809 г. Институт для девочек-сирот из бедных семей, чьи отцы, деды или прадеды были кавалерами ордена Почетного легиона (Maison d’éducation de la Légion d’honneur).

Dagobert – Дагоберт I (602/605–638/639), король династии меровингов (mérovingiens), сын Хлотаря II (Clotaire II), прапраправнук Хлодвига (Clovis), основатель аббатства Сен-Дени.

Faubourg m Saint-Germain – предместье Сен-Жермен ведет свою историю с XVII в., когда началась застройка и благоустройство квартала. В 1622 г. здесь находился участок земли, принадлежавший королеве Марго (Маргарите Французской, или Маргарите Валуа (1553–1615). В XVIII в. предместье входит в моду и становится «благородным предместьем» («le noble faubourg»), где финансисты и аристократы строят по проектам лучших архитекторов особняки, окруженные прекрасными садами. До наших дней среди прочих сохранились такие здания, как Матиньонский дворец (Hôtel m Matignon), ныне канцелярия премьер-министра Французской республики, Бурбонский дворец (Palais m Bourbon), где заседает нижняя палата парламента – Национальное собрание Франции.

connétable m de Montmorency – Анн де Монморанси (1493–1567), герцог и пэр Франции, маршал, коннетабль. Был смертельно ранен в битве при Сен-Дени (10 ноября 1567 г.) между католиками и протестантами

9 1830 et « les Trois glorieuses ». Lafayette et Louis-Philippe d’Orléans, héritiers de 1789

En trois jours, le roi Charles X est chassé de Paris par une émeute sanglante. Le trône est vide. C’est l’occasion pour le duc d’Orléans de pousser son avantage et d’établir cette monarchie parlementaire qui avait échoué en 1791–1792. Les symboles sont à l’œuvre; Lafayette, le « héros des Amériques », l’homme de la Révolution de 1789, reprend du service. Il s’appuie sur la garde nationale, milice civique, qui fut un des grands acteurs des journées révolutionnaires. Le drapeau tricolore refait son apparition. Mais il faut assurer le nouveau pouvoir, Louis-Philippe n’est pas encore roi et il faut prévenir toute insurrection républicaine.

« Proclamation du général Lafayette » (affiche)

« Aux citoyens de Paris.

Paris, le 31 juillet 1830

La réunion des députés actuellement à Paris vient de communiquer au général en chef la résolution qui, dans l’urgence des circonstances, a nommé M. le duc d’Orléans lieutenant général du royaume. Dans trois jours, la chambre sera en séance régulière, conformément au mandat de ses commettants, pour s’occuper de ses devoirs patriotiques, rendus plus importants et plus étendus encore par le glorieux événement qui vient de faire rentrer le peuple français dans la plénitude de ses imprescriptibles droits. Honneur à la population parisienne !

C’est alors que les représentants des collèges électoraux, honorés de l’assentiment de la France entière, sauront assurer à la patrie, préalablement aux considérations et aux formes secondaires de gouvernement, toutes les garanties de liberté, d’égalité et d’ordre public que réclame la nature souveraine de nos droits et la ferme volonté du peuple français.

Déjà sous le gouvernement d’origine et d’influence étrangères qui vient de cesser, grâce à l’héroïque résistance à l’agression contre-révolutionnaire, il était reconnu que, dans la session actuelle, les demandes du rétablissement d’administrations électives, communales et départementales, la forme des gardes nationales de France sur les bases de la loi de 91, l’extension relative à la loi électorale, la liberté de l’enseignement, la responsabilité des agents du pouvoir, et le mode nécessaire pour réaliser cette responsabilité, devaient être des objets de discussions législatives antérieures à tout vote de subsides; à combien de plus forte raison ces garanties de toutes celles que la liberté et l’égalité peuvent réclamer, doivent-elles précéder la concession des pouvoirs définitifs que la France jugerait à propos de conférer ? En attendant elle sait que le lieutenant général du royaume, appelé par la chambre, fut un des jeunes patriotes de 89, un des premiers généraux qui firent triompher le drapeau tricolore. Liberté, égalité et ordre public, fut toujours ma devise: je lui serai fidèle.

Lafayette »

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Lafayette – Жильбер де Мотье, маркиз де Лафайет (1757–1854), французский политический деятель, участник войны за независимость США, депутат от дворянства в Генеральных штатах, командующий Национальной гвардией. После падения монархии находился в эмиграции, затем в австрийском и прусском плену. При Наполеоне вернулся к частной жизни. После Реставрации стал членом палаты депутатов. Во время революции 1830 г. поддержал Луи-Филиппа, вновь назначен командующим Национальной гвардией. После упразднения этого поста в конце 1830 г. в отставке, затем вновь член палаты депутатов.

10 La Monarchie de Juillet: attentats

Dès son accession au trône, Louis-Philippe 1er doit faire face à de nombreux attentats contre sa personne. Républicains, bonapartistes, légitimistes multiplient les complots auxquels s’ajoutent des émeutes, parfois violemment réprimées comme rue Transnonain à Paris en 1834, massacre immortalisé par l’artiste Honoré Daumier. A Lyon, des ouvriers de l’industrie textile (les canuts) se révoltent. Victor Hugo, dans les Misérables, revient sur ces manifestations qui donnent lieu à l’édification de barricades.

Le 28 juillet 1835, jour anniversaire de la révolution dite des « Trois glorieuses », le Roi passe en revue les troupes sur les boulevards de Paris. A la hauteur du 50, boulevard du Temple, Fieschi actionne une « machine infernale » qui tue 18 personnes du cortège et en blesse 40. Le Roi et ses fils sont sains et saufs. Fieschi et ses complices sont immédiatement arrêtés. Après instruction, le procès est confié à la Chambre des Pairs. La personnalité de l’accusé Fieschi, qui semble avoir agi sans conviction politique, a fait de ce procès un classique des études criminologiques. Fieschi et deux de ses complices sont condamnés à mort et guillotinés.

Cour des Pairs, attentat du 28 juillet 1835, Interrogatoires des accusés, Paris, Imprimerie royale, 1835

« Interrogatoire de Fieschi par le magistrat instructeur, Fieschi est encore identifié sous le nom de Gérard.

3e interrogatoire subi par Fieschi, sous le nom de Joseph-François Gérard, le 29 juillet 1835, huit heures du matin, devant le même magistrat.

A huit heures du matin:

Le prévenu est mieux, il parle librement.

D.: Voulez-vous me dire aujourd’hui vos nom et prénoms?

R.: Je vous les ai dits hier.

D.: Comment vous appelez-vous?

R.: Joseph-François Gérard, âgé de 39 ans, né à Lodève, mécanicien, demeurant à Paris, boulevart (sic) du Temple, n°50.

D.: Travailliez-vous pour un maître ?

R.: Non, Monsieur; depuis quelques jours je m’étais mis chez moi.

D.: Comment s’appelle votre maître?

R.: Ici (?)

Cette réponse est une question adressée par Fieschi au magistrat interrogateur et la demande suivante contient la réponse à cette question.

D.: Oui.

R.: Je n’ai pas travaillé ici.

D.: Ne dites-vous pas que vous êtes ici depuis le mois d’avril?

R.: Oui.

Nous adressons quelques représentations au prévenu; il dit, entre autres choses:

« Je suis un malheureux ! Je suis un misérable

« Je ne puis rien espérer !

« Je puis rendre service

Nous verrons.

« J’ai du regret de l’avoir fait … »

Le prévenu a sur le côté gauche de la poitrine une croix à cinq branches en pointe, surmontée d’un aigle, au-dessus duquel est une couronne. Le prévenu dit que c’est une décoration du prince Murat.

M. le Garde des sceaux est présent; il joint ses exhortations et ses efforts aux nôtres pour engager le prévenu à dire toute la vérité.

Le prévenu dit encore entre autres choses, d’après diverses interpellations qui lui sont adressées:

« J’arrêterai peut-être quelque chose … Je ne nommerai personne;

« Je ne vendrai personne. Mon crime a été plus fort que ma raison. »

Il lui est demandé s’il n’a pas été excité par les journaux; après avoir répondu: « Pas trop… , il ajoute: Oui.

D.: Nous ne vous demandons pas de noms.

Pas de réponse.

D.: Est-ce vous qui êtes l’inventeur de la machine ?

R.: Oui, Monsieur.

D.: Où avez-vous eu les canons de fusil?

La réponse du prévenu indique qu’il les a achetés en plusieurs endroits.

D.: Où avez-vous acheté la poudre?

R.: Chez les marchands de tabac.

D.: Avez-vous acheté aussi les balles toutes faites?

R.: Oui

D.: Avez-vous été plusieurs jours à faire la machine?

R.: Oui.

Il dit encore en répondant à d’autres questions, qu’il y avait « longtemps qu’elle était faite.»

Il ajoute:

« J’en ai même travaillé plusieurs. Mais je les ai brûlées.

« Sa Majesté peut être tranquille.»

Dans diverses autres explications, « Il dit avoir été fanatisé »; il parle « des événements de la rue Transnonain et de ceux de Lyon.»

Lecture faite, le prévenu a persisté dans ses déclarations; il a dit ne pouvoir signer. Nous avons signé avec le greffier.

(Dossier Fieschi, interrogatoires, pièce 5e.) »

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Honoré Daumier – Оноре Домье (1808–1879), признанный мастер политической карикатуры XIX в., живописец, скульптор, художник-график. За карикатуру на короля был посажен в тюрьму (1832). Особенно известен карикатурами на политические события, жизнь известных людей своего времени.

événements m pl de la rue Transnonain – cобытия на улице Транснонен 14 апреля 1834 г. Трагедия, разразившаяся в Париже, случайным свидетелем последствий которой (вынос тел) стал Домье. Через несколько дней после жестоко подавленного восстания ткачей в Лионе восстания вспыхнули и в других городах Франции. Париж также готовился к неминуемым событиям. На улице Транснонен находилась одна из самых больших построенных повстанцами баррикад. После выстрела из окна в офицера из дома рядом с баррикадой солдаты ворвались в дом и убили часть его жителей.

Chambre f des Pairs – Палата пэров, верхняя палата французского парламента с 1814 по 1848 гг. (период двух Реставраций, Ста дней, июльской монархии). Созданная Людовиком XVIII палата была одним из институтов французской законодательной системы. Являлась судом для государственных преступлений и должностных преступлений министров и депутатов.

11 Naissance du Christianisme social

Après la déchristianisation du siècle précédent et la violence antireligieuse de la Révolution, la France connaît un regain du catholicisme en ce début du XIXe siècle. Mais ces années-là sont aussi celles des premiers temps de la Révolution industrielle qui transforme la société. Dans ce contexte, Félicité de Lamennais et quelques autres, prônent un catholicisme tourné vers la question sociale, les pauvres. Pleines d’émotion et de lyrisme, ces Paroles d’un croyant sont aussi empruntes du Romantisme qui est à l’œuvre dans la société du temps et dont « le peuple » est un des héros.

Félicité de Lamennais, Paroles d’un croyant, 1834

« AU PEUPLE

Ce livre a été fait principalement pour vous; c’est à vous que je l’offre. Puisse-t-il, au milieu de tant de maux qui sont votre partage, de tant de douleurs qui vous affaissent sans presque aucun repos, vous ranimer, et vous consoler un peu ! Vous qui portez le poids du jour, je voudrais qu’il pût être à votre pauvre Ame fatiguée ce qu’est, sur le midi au coin d’un champ, l’ombre d’un arbre, si chétif qu’il soit, à celui qui a travaillé tout le matin sous les ardents rayons du soleil.

Vous vivez en des temps mauvais, mais ces temps passeront. Après les rigueurs de l’hiver, la Providence ramène une saison moins rude, et le petit oiseau bénit dans ses chants la main bienfaisante qui lui a rendu et la chaleur et l’abondance, et sa compagne et son doux nid.

Espérez et aimez. L’espérance adoucit tout, et l’amour rend tout facile. Il y a en ce moment des hommes qui souffrent beaucoup parce qu’ils vous ont aimés beaucoup. Moi, leur frère, j’ai écrit le récit de ce qu’ils ont fait pour vous et de ce qu’on a fait contre eux à cause de cela; et lorsque la violence se sera usée d’elle-même, je le publierai, et vous le lirez avec des pleurs alors moins amers, et vous aimerez aussi ces hommes qui vous ont tant aimés. A présent, si je vous parlais de leur amour et de leurs souffrances, on me jetterait avec eux dans les cachots. J’y descendrais avec une grande joie si votre misère en pouvait être un peu allégée; mais vous n’en retireriez aucun soulagement, et c’est pourquoi il faut attendre et prier Dieu qu’il abrège l’épreuve. Maintenant, ce sont les hommes qui jugent et qui frappent: bientôt ce sera lui qui jugera. Heureux qui verra sa justice !

Je suis vieux: écoutez les paroles d’un vieillard. La terre est triste et desséchée, mais elle reverdira. L’haleine du méchant ne passera pas éternellement sur elle comme un souffle qui brûle. Ce qui se fait, la Providence veut que cela se fasse pour votre instruction, afin que vous appreniez à être bons et justes quand votre heure viendra. Lorsque ceux qui abusent de la puissance auront passé devant vous comme la boue des ruisseaux en un jour d’orage, alors vous comprendrez que le bien seul est durable, et vous craindrez de souiller l’air que le vent du ciel aura purifié. Préparez vos âmes pour ce temps, car il n’est pas loin, il approche. Le Christ, mis en croix pour vous, a promis de vous délivrer.

Croyez en sa promesse, et, pour en hâter l’accomplissement, réformez ce qui a besoin de réforme, exercez-vous à toutes les vertus, et aimez-vous les uns les autres comme le Sauveur de la race humaine vous a aimés, jusqu’à la mort. »

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Félicité de Lamennais – Фелисите Робер де Ламене (1782–1854), французский священник, политический деятель, философ и публицист, один из предшественников либерального и социального католицизма, а также христианской демократии и христианского социализма. Происходил из богатой дворянской семьи, стал ультраклерикальным мыслителем. Политический идеал Ламенне – христианская монархия.

12 Dom Prosper Guéranger, la réforme liturgique

Le Romantisme puise ses sources dans l’histoire, le culte des origines. Le Catholicisme ne fait pas l’économie de ce mouvement. Inspiré par Lamennais et cherchant à se détacher des formes convenues du culte, le bénédictin Dom Guéranger réforme la liturgie selon un principe de retour aux sources, ce qui suppose se détacher des pratiques locales françaises pour se tourner vers un modèle romain, plus universel. On retrouve ici les traces des polémiques entre ultramontains et gallicans.

Institutions liturgiques (1840–1858). Chapitre II: importance de l’étude de la liturgie

« On sent aisément que de tout cet ensemble de confession, de prière et de louange, qui constitue la Liturgie, doit résulter la matière d’une science véritable; science des Offices divins, c’est-à-dire de cette partie de la Liturgie qui consiste dans le sacrifice des lèvres (Hebr., XIII, 15); science du sacrifice réel avec tous ses rites et ses mystères; science des sacrements, organes de la sanctification de l’homme; science des bénédictions et des sacramentaux au moyen desquels toute créature est purifiée et réhabilitée par la vertu de la croix; science enfin des supplications et autres rites solennels que l’Église emploie dans des occasions extraordinaires.

Mais si déjà cette simple énumération des forces et des moyens de la Religion nous place en regard d’un si vaste et si radieux ensemble, que serace quand, poursuivant, à travers la tradition, dans les écrits des Pères, dans les ordonnances des conciles, dans les monuments de l’antiquité ecclésiastique, ces diverses formes du culte divin, nous sommes conduits à interroger tous les siècles et à enregistrer leurs réponses si belles d’unité et si fécondes en tout genre d’inspiration ? Telle est cependant la science liturgique telle qu’elle a été conçue, explorée, enseignée par tant de grands docteurs, dont les noms glorieux et les services immenses seront racontés plus loin.

Tous, sans doute, ne sont pas appelés à suivre dans la science liturgique une carrière d’égale étendue, mais on peut affirmer, sans crainte d’être démenti, que, pour ne parler que des personnes ecclésiastiques, elle doit faire pour elles l’objet d’une étude non moins spéciale que la casuistique à laquelle, dans l’état présent, l’usage est en France de consacrer à peu près la moitié du temps assigné à l’éducation cléricale. La récitation et souvent même la célébration des divins Offices ne forment-elles pas l’occupation journalière du Prêtre ? Quel plus grand intérêt pour lui que de pouvoir suivre la chaîne de merveilles qui se déroule dans la succession des fêtes et des temps de l’année chrétienne, de pouvoir briser les sceaux de ce livre journalier que l’Église d’aujourd’hui a reçu de l’Église des premiers siècles avec une tradition de mystères cachés et de chants admirables ? Le Prêtre monte chaque jour à l’autel pour y sacrifier l’Agneau immolé depuis le commencement du monde (Apoc, XIII, 8); où comprendra-t-il mieux la sainteté, la grandeur de cette action, comme on l’appelait autrefois, où apprendra-t-il mieux la pureté de cœur qu’elle exige, qu’en étudiant la manière dont elle s’est exercée depuis la veille du jour où le Christ souffrit, jusqu’à ces temps plus rapprochés de nous où l’Église, mue par l’Esprit-Saint, a fixé d’une manière irrévocable les rites, de la religion desquels elle a voulu environner le plus auguste des mystères ? Et les sacrements, sources divines du salut, et les sacramentaux par lesquels l’Église épanche sur le peuple fidèle la plénitude de sanctification qui est en elle; si tant de doctes écrits ont été composés par les plus pieux et les plus savants hommes de l’Église, à l’effet d’en expliquer les rites, d’en éclaircir les formules, d’en développer toute la majesté, comment le Prêtre, ministre de toute cette dispensation à la fois miséricordieuse et sublime, ne se livrerait-il pas à la recherche de cette perle d’un prix infini ? S’il lui a été dit d’imiter ce qu’il a entre les mains, imitamini quod tractatis

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